Tour d’horizon des modifications pratiques apportées à la procédure pénale depuis le 30 septembre 2024.
Le 30 septembre 2024 a marqué l’entrée en vigueur de nombreuses dispositions de la loi du 20 novembre 2023[1] qui apportent des modifications importantes à la procédure pénale, tant au stade de l’enquête que de l’instruction et du jugement. Revenons sur quelques-unes d’entre elles.
L’extension de la possibilité de procéder à des perquisitions de nuit
Les nouveaux articles 59-1 et 97-2 du code de procédure pénale permettent désormais de procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies avant 6 heures et après 21 heures en cas d’enquête de flagrance ou d’instruction concernant des crimes d’atteintes aux personnes. Les textes renvoient aux modalités de l’autorisation de ces mesures prévues à l’article 706-92.
Ces mesures pourront être autorisées si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent et par ordonnance spécialement motivée au regard de trois critères :
(i) Lorsque la réalisation de la perquisition est nécessaire pour prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ;
(ii) Lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis ;
(iii) Pour permettre l’interpellation de la personne soupçonnée s’il est nécessaire de procéder à cette interpellation en dehors des heures prévues à l’article 59, afin d’empêcher cette personne de porter atteinte à sa vie ou à celle des enquêteurs.
Dans sa décision rendue concernant cette réforme, le Conseil constitutionnel[2] émettait une réserve d’interprétation concernant le deuxième critère. Ce dernier doit être entendu « comme ne permettant d’autoriser une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d’autres circonstances de temps ».
De nouveaux cas de recours à la visioconférence
Tout d’abord, l’article 803-5 du code de procédure pénale permet désormais le recours à la visioconférence sans condition pour les gardes à vue ou auditions de personnes majeures, pendant les premières quarante-huit heures de la mesure.
Toujours pendant la garde à vue, la nouvelle rédaction de l’article 63-3 du code de procédure pénale crée la possibilité, sur autorisation du procureur de la République et en vue de la prolongation de la garde à vue, de réaliser l’examen médical par visioconférence. Le médecin se prononcera, le cas échéant, sur la nécessité d’examiner physiquement la personne. Ce recours à la visioconférence est possible hors cas de prolongation de la mesure de garde à vue, sous condition de l’accord exprès de la personne.
Il ne sera pas permis dans sept cas énumérés par la nouvelle disposition, notamment si la personne gardée à vue est mineure ou encore si elle subit cette mesure pour des infractions de violence ou outrage commis sur personne dépositaire de l’autorité publique ou pour rébellion.
Enfin, un nouvel article 706-79 met en place la possibilité du recours à la visioconférence pour l’interrogatoire de première comparution devant une JIRS ultramarine, si le mis en cause se trouve dans le ressort d’une autre cour d’appel ultramarine. Il doit en tout état de cause être interrogé de visu dans les quatre mois suivants sa mise en examen.
De nouvelles mesures de contrainte applicables aux témoins en cours d’instruction.
La nouvelle version de l’article 153 du code de procédure pénale renforce la possibilité de retenir un témoin convoqué au cours d’une commission rogatoire. Le texte opère ainsi un renvoi aux articles 62 et 78 du même code et confie au juge d’instruction les attributions confiées au procureur de la République dans le cadre de l’enquête pour ces rétentions ; elles pourront donc désormais durer jusqu’à quatre heures.
L’article 109 permettra au juge d’instruction de contraindre un témoin à comparaître devant lui par la force publique d’office, sans qu’il lui soit nécessaire de dépendre de réquisitions du procureur de la République en ce sens.
Une simplification de certaines démarches au stade de l’instruction, pour les parties et leurs avocats.
Commençons à ce titre par évoquer la nouvelle version de l’article 175 du code de procédure pénale qui est entrée en vigueur pour tous les avis de clôture d’information intervenus à compter du 30 septembre 2024. D’abord, la déclaration d’intention, datant de la loi du 23 mars 2019[3], est enfin supprimée.
Aussi, les délais pour présenter des réquisitions ou observations complémentaires sont fixés à dix jours, que le mis en cause soit ou non détenu.
Finalement, il est désormais possible pour les parties de renoncer à faire des observations pendant la phase de clôture, à condition que cette renonciation émane de l’ensemble des parties.
L’article 114 du code de procédure pénale permet un accès facilité au dossier pour les parties. Après chaque interrogatoire, confrontation, reconstitution, une copie du procès-verbal sera immédiatement délivrée à l’avocat du mis en examen. Aussi, la partie civile ou son avocat si elle en a un, peut-elle, dès sa constitution et sans attendre une convocation, sauf ordonnance motivée du juge d’instruction s’y opposant, demander à recevoir une copie de tout ou partie du dossier après la première comparution ou audition. Elle disposera du droit de faire appel de l’ordonnance du juge d’instruction s’opposant à la communication du dossier.
Enfin l’article 115 du code de procédure pénale permettra désormais de désigner un avocat par lettre recommandée avec accusé de réception, même si celui-ci réside dans le ressort de la juridiction compétente. Un dernier alinéa est créé, et qui prévoit explicitement que l’avocat désigné ou commis d’office pourra indiquer le nom de ses associés et collaborateurs pour lesquels un permis de communiquer est demandé ; « le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats ».
Nouveaux droits prévus pour les témoins assistés et les mis en examen.
Les témoins assistés bénéficient désormais des mêmes droits que les parties s’agissant des mesures expertises[4].
Aussi, l’article 80-1 du code de procédure pénale fait l’objet d’une importante modification. Ne sera désormais plus sanctionnée de nullité la mise en examen faute d’indices graves ou concordants. La nullité est déplacée pour sanctionner dorénavant une méconnaissance des conditions de forme prévues au deuxième alinéa.
Enfin, notons que la nouvelle rédaction de l’article 80-1-1 permettant à la personne mise en examen de demander à se voir octroyer le statut de témoin assisté dès la notification de la mise en examen puis, tout au long de l’instruction, dans un délai de dix jours à compter de celle-ci. Enfin, cette disposition renvoie désormais au dernier alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale : faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans un délai d’un mois, la personne pourra directement saisir la chambre de l’instruction de ces demandes.
Les nouveautés devant le tribunal correctionnel.
Quelques modifications à relever sont applicables aux procédures audiencées devant le tribunal correctionnel à compter du 30 septembre. Nous nous concentrons ici sur celles applicables aux procédures de comparution immédiate.
Le nouvel article 397-1 du code de procédure pénale étend à quatre semaines au lieu de deux, la durée séparant la première audience de celle de renvoi, et applique ce même délai pour tous les prévenus, quelle que soit la peine encourue.
L’article 397-3 donne lui un nouveau pouvoir au tribunal correctionnel, qui pourra décider du placement du prévenu sous assignation à résidence avec surveillance électronique. Le juge des libertés et de la détention pourra alors être saisi sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande du prévenu, et décider par ordonnance motivée et susceptible d’appel dans les vingt-quatre heures, de modifier les obligations, d’en supprimer ou d’en ajouter, ou encore d’accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles. Il pourra aussi, si la complexité du dossier le justifie, renvoyer d’office ou sur demande devant la formation collégiale de la chambre de l’instruction.
[1] Loi n°2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027
[2] Cons. Const., 16 novembre 2023, n° 2023-855 DC, §28
[3] Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
[4] Nouveaux articles 156, 161-1, 161-2, 165, 167, et 167-2 du code de procédure pénale